Une bombe sociale et politique
Commençons par les faits. Entre 2016 et 2023, le patrimoine des milliardaires français a explosé de manière vertigineuse, plus de 150 % selon plusieurs études. Parallèlement, le salaire médian a stagné ou progressé à peine au rythme de l’inflation et pour la plupart des travailleurs le pouvoir d’achat a reculé. Cette concentration extrême de richesse se double d’une précarisation croissante des classes moyennes et populaires.
Ces écarts sont indécents et c’est une bombe sociale et politique qui se présente à nos yeux. Une mèche lente ne dit rien de la violence d’une explosion.
Cette bombe sociale et politique est alimentée par les idées caricaturales sur la question sociale. Comme les débats sur les jours de carence qui sont présentés comme un "levier d’efficacité" alors qu’ils sont déjà une pénalité pour les salariés malades, banalisent la souffrance et la précarité, tout en négligeant les vrais enjeux de santé au travail et de protection sociale. Nous exigeons la suppression des jours de carence pour tous les travailleurs, dans le public comme dans le privé.
L’impérieux besoin de communs
Ces idées caricaturales – et d’autres - nichées dans les politiques publiques révèlent un mépris plus large pour les solidarités collectives. Ajoutons que la logique individualiste, où chacun devrait porter seul les aléas de sa vie, agit comme un acide sur les relations sociales. Tout s’emploie à mutiler les communs, ces ressources partagées qui garantissent l’égalité et la dignité.
Or, les communs sont les fondements mêmes de notre société : l’eau, l’air, l’énergie, un système de santé universel, une retraite par répartition, une assurance chômage pour protéger les plus vulnérables. Ces biens et services sont notre patrimoine commun. Il s’agit de les rebâtir, de les protéger de la confiscation, de la prédation. Marchandiser ces communs, c’est distinguer ceux qui auront accès et ceux qui en seront privés, c’est finalement hiérarchiser les femmes et les hommes de ce pays.
C’est pourquoi l’UNSA milite pour un renforcement des protections sociales et un financement pérenne de ces biens et de ces services essentiels. Cela passe par une fiscalité juste, avec la contribution des grandes fortunes et des « super-profits ». Il n’y a pas de justice sociale sans justice fiscale. Les communs c’est aussi préparer l’avenir en ayant des investissements massifs pour la transition écologique et le rétablissement de notre appareil industriel productif.
Résister et proposer
Dans ce contexte, notre rôle, en tant que syndicalistes, est double : résister et proposer. Résister aux attaques contre les droits sociaux, comme celles portées sur l’assurance chômage, les retraites ou les jours de carence. Mais aussi reproposer un modèle social à la hauteur des défis de notre temps, dont les fractures territoriales.
Cela nécessite de permettre sur tout le territoire national l’accès aux soins à l’emploi, à la culture. Cela nécessite de promouvoir une véritable démocratie sociale. L’objectif est de redéfinir pour toutes et tous où que l’on habite la perspective de nouveaux jours heureux.
Le nouveau modèle social : celui dont nos enfants seront fiers
Certains prétendent que le modèle social français est un fardeau économique. Nous affirmons qu’il est une chance. Nous l’adapterons aux nouveaux défis et aux transitions avec une conviction de bon sens : les droits sociaux ne doivent pas être perçus comme des coûts, mais comme des investissements dans l’humain et dans la cohésion de notre société.
À cet effet, un nouvel équilibre est nécessaire. D’un côté, les grandes entreprises et les plus fortunés doivent contribuer à hauteur de leur richesse. De l’autre, l’État doit garantir que chaque euro dépensé pour les communs profite véritablement à tous.
Nous croyons en une société solidaire. Ce combat, nous le mènerons avec détermination. Pour que nos enfants soient fiers d’un modèle social qu’ils transmettront à leurs enfants comme un commun qui les fait naître et demeurer libres et égaux en droits.
Laurent Escure Secrétaire général de l’UNSA