Au nom de tous les douaniers qui ont fauté….
… Et ont été sanctionnés par la discipline douanière !
La semaine dernière, plusieurs médias ont indiqué que le Secrétaire d’État, Olivier Dussopt, est mis en cause pour avoir accepté deux lithographies offertes par l'un des dirigeants de la Saur (ex filiale de Bouygues) en Ardèche, alors qu'un contrat avec ce gestionnaire de l'eau était en négociation pour la commune dont il était maire.
Un déontologue à géométrie variable !
En préambule, il ne nous appartient pas d’affirmer que l’ancien maire s’est laissé corrompre ; c’est au gouvernement de prendre les décisions (ou non !) qui s’imposent et à la justice d’établir les faits. Toutefois, la fonction actuelle de M. Dussopt, nous amène quelques réflexions. En d'autres temps, et à minima, des enquêtes préliminaires étaient initiées pour faire la clarté et envisager ou non des poursuites !
M. Dussopt est l’actuel ministre en charge de la Fonction publique. A ce titre, il préside le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État (CSFPE), qui est notamment l'organe supérieur de recours en matière disciplinaire, et signe les arrêtés portant organisation de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).
Autant dire qu’il a un rôle prépondérant dans l’image et le fonctionnement de la Fonction publique. D'autant qu'il lui arrive aussi de reprendre des dossiers auxquels Gérald Darmanin s’intéresse moins, comme la déontologie des fonctionnaires !
Nous rappelons que pour un fonctionnaire, les faits de corruption passive, s’ils sont avérés, sont toujours punis par une sanction disciplinaire, comprise en général entre l’exclusion temporaire de fonction et la révocation. En cette période de « déconfinement », où tout semble permis, il nous semblait important de le rappeler.
Ainsi, prenons l’exemple d’un agent des douanes en poste à la détaxe et qui accepterait, de la part d’un « ami », deux cadeaux d’une valeur conséquente (plusieurs milliers d’euros). Ce dernier s'avérerait ensuite être un « usager » qui viendrait se présenter concomitamment à son ami douanier pour le visa de bordereaux de détaxe. Une opération pour laquelle cet « ami/usager » (au choix donc !) ne subirait aucun contrôle physique des marchandises.
Voilà que cette situation arrive aux oreilles de la hiérarchie, ce qui amènerait aussitôt l’agent à restituer ces cadeaux pour éviter toute polémique. Pire, cette petite histoire en viendrait à se répandre dans la presse.
Devant autant d’éléments troublants, l’agent se verrait notifier sans tarder l’ouverture d’une enquête préalable relative à des actes pouvant relever du conseil de discipline. Outre le fait d’avoir manqué à son devoir de probité, l’administration y ajouterait la fameuse « atteinte au bon renom de l’administration » !
Nous y sommes : au cas présent, le bon renom du gouvernement ne semble même pas égratigné aux yeux du premier ministre et du président de la République. Pour l’heure, dans cette république verrouillée, il n’est pas question de la moindre démission, alors que dans n’importe quel autre pays européen, un ministre surpris dans une telle situation se serait vu indiquer la sortie sur le champ.
La politique, c'est pas compliqué, il suffit d'avoir une bonne conscience,
et pour cela il faut juste avoir une mauvaise mémoire ! Coluche
Il faut rappeler que l’histoire plaide pour l’honneur et la droiture du personnage. Nous sommes ici devant un preux militant de la probité et de la transparence en politique. N’était-ce pas lui, sur tweeter, le pourfendeur d’un ancien premier ministre, candidat à la présidence de la République en 2017 ? Il écrivait ainsi : « Pas d'emplois fictifs? Pas de cadeaux dispendieux? Pas de népotisme? Pas de rétrocession des groupes? Pas de société de conseils? J'ai bon? » @olivierdussopt
C’est d’ailleurs ce même ministre qui, au nom de la solidarité et la sauvegarde des entreprises du privé, avait imposé que des jours de réduction du temps de travail et des jours congés ordinaires soient retirés aux agents de l’État.
Via l’ordonnance 2020-430, il imposa une règle brutale et hâtive, soustraite d'autorité à toute possibilité de dialogue social. Lorsqu’il s’agit d’écraser des « petits » fonctionnaires, là encore sa rigueur inébranlable s’est élevée comme la garante nationale d’une équité prompte à sauver les activités du secteur privé.
Honni soit qui mal y pense !
Ainsi, comment pourrions-nous douter de l’honnêteté d’un homme politique qui donnait des leçons en 2017 pour se comporter de manière similaire aujourd’hui. Les sommes en jeu se sauraient être les mêmes nous direz-vous ?
Pas tout à fait, car Olivier Dusspot ne les a pas déclarées, alors que c’est obligatoire chez les parlementaires pour « les dons, avantages [...] d’une valeur qu’ils estiment supérieure à 150 euros dont ils ont bénéficié à raison de leur mandat », selon le code de déontologie de l'assemblée Nationale.
En outre, il a su fournir des explications limpides, franches et sincères ôtant toute suspicion !
A preuve : il a d'abord affirmé avoir reçu un cadeau émanant « d’un ami, qui habite dans sa circonscription », avant de déclarer que l'élégant donataire n'était « pas un ami » mais « un client ». Puis d’avouer qu'il s'agissait bien d'un « cadeau de l'entreprise » et qu'il avait décidé de le « restituer dans les plus brefs délais, pour éviter toute polémique. »
Même si nous ne cherchons pas ici la mort du pécheur, tout cela fait désordre et délivre un fumet désolant et toxique pour le donneur de leçons de 2017.
Ne cherchons pas la mort du pêcheur !
M. Dussopt pourrait encore faire montre d’une certaine « morale » en quittant le gouvernement de son propre chef. Il ne serait de toute façon pas à plaindre car il pourrait alors retrouver son siège de député.
En pareille circonstance, notre agent, cité en exemple ci-dessus, paierait un lourd tribu : un coup de pied aux fesses ou à minima une perte de salaire et de primes temporaire doublée d’un déroulement de carrière anéanti jusqu’à la retraite, minorée de fait.
Il suffirait de puiser dans les archives de la GRH des Douanes pour exhumer des dizaines de sanctions disciplinaires, étouffées de publicité (BOD jaune pour les plus anciens !), au nom de la nécessité de sauvegarde du bon renom de notre administration.
Si les principes fondamentaux de la Fonction publique sont les garants de la déontologie qui s’impose aux petits, ils ne prévoient pas d’en exclure les plus grands !
Selon que vous serez puissants ou misérables,
les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. Lafontaine