Déclaration liminaire du "GT bidirectionnel" du lundi 21 octobre 2019

A titre liminaire, nous voulons vous rappeler une nouvelle fois notre désaccord profond quant à la réforme qui est lancée.

Nous l’avons dit et nous vous le redisons, le transfert ou la partition entre deux administrations, du recouvrement, de la gestion, de l’assiette et du contrôle d’un bloc de taxes, présente peu d’intérêt en termes de simplification pour les opérateurs, peu d’intérêt en termes de rationalisation de l’action publique et en revanche un gros risque en matière de fraude aux finances publiques.

En termes de simplification pour les opérateurs, vous allez créer une nouvelle instabilité. La plupart des acteurs économiques se plaignent des changements trop fréquents des réglementations auxquelles ils sont astreints. En leur demandant de changer d’interlocuteur administratif, vous n’allez pas simplifier leurs formalités. Les mêmes à qui vous avez expliqué il y a quelques années, l’utilité de centraliser le service interlocuteur, comme à Nice pour la TGAP, vous allez maintenant leur expliquer qu’il faut de nouveau relocaliser leur interlocuteur fiscal au niveau local pour cette taxe. Sans compter certaines fiscalités pour lesquelles les opérateurs auront toujours la douane comme interlocuteur, comme la TVA Pétrole, et qui devront en sus, pour cette taxe, s’adresser dorénavant à la DGFIP. Pour la même marchandise, en fonction de sa fiscalité, la société devra s’adresser à la douane ou à la dgfip, où est la simplification ?

En termes de rationalisation de l’action publique, où sont les gains attendus ? Tout n'est pas aussi simple que ce que les documents transmis par l'administration le laisse penser. La période de transition, avec un transfert des missions sans transfert de compétences, va nécessairement conduire à une perte d’expertise. Vous allez donc demander à des agents de la dgfip de s’approprier une nouvelle réglementation, très spécifique, d’utiliser un nouveau savoir-faire, comme les prélèvements d‘échantillons et le recours au laboratoire, qui sont des activités séculaires de la douane. Et comme la plupart des taxations sont basées sur l’espèce, vous allez également demander aux agents de la dgfip de recourir à l’expertise de la douane pour le classement tarifaire des marchandises contrôlées … Où sont les gains en termes d’efficience de l’action publique ?

La partie contrôle et lutte contre la fraude est totalement éludée dans vos fiches d’impact car il n’y a pas de bilan des contentieux réalisés par la douane. Nous avons bien retenus que les contrôles en matière de BNA, dans la logique des contrôles diligentés par la DGFIP, allaient commencer après le premier exercice fiscal, ce qui revient à offrir une année blanche aux fraudeurs non déclarés . Sans compter l’effet d’aubaine dont pourront profiter tous les opérateurs non scrupuleux. Car, malheureusement, on oublie de s’intéresser aux opérateurs qui ne sont pas déclarés, ceux qui pourtant devraient concentrer toute l’attention de l’administration. Et pour ces opérateurs non déclarés, seule la douane, par son implantation dans tous les grands points de passages de flux de marchandises, et sa capacité à être présente sur tout point du territoire pour mener des contrôles, avait cette efficacité pour appréhender les courants de fraude qui se détournent des processus déclaratifs. Quant au dispositif de contrôle que vous proposez , qui peut croire que les vérificateurs de la DVNI ou des DIRCOFI iront procéder à un inventaire chez un grossiste en boisson, à un prélèvement d’échantillon dans un conteneur ou au contrôle du chargement d’un camion pour vérifier le classement tarifaire des marchandises transportés ? En tout cas, les agents concernés, que nous avons contacté n’ont toujours pas été informés du transfert et de leur nouvelles prérogatives, et donc n’ont toujours reçu aucune formation adaptée.

Nous rappellerons que la douane est la police des marchandises, des marchandises en mouvement et c’est par cette capacité à contrôler ces marchandises en mouvement, les produits pétroliers, les boissons ou les déchets par exemple, qu’elle est et sera toujours plus efficace que les simples vérifications de comptabilité effectuées chez les seuls opérateurs déclarés. Ce rôle et cette efficacité sont d’ailleurs reconnus à la douane par ses partenaires économiques et institutionnels.

L’expérience nous a enseigné, et les fraudes au carrousel de TVA ou au marché du carbone l’ont démontré, qu’il y avait toujours une perte d’efficacité et un risque de fraude accru lorsqu’il y a une décorrélation de la gestion, de l’assiette et des contrôles. Évidemment, cela n’est pas quantifiable facilement, mais quand le bilan sera fait d’ici quelques années, vous ne pourrez pas dire que l’on ne vous avait pas prévenu...

GT/CSA-FS