Déclaration liminaire à la réunion technique du 10-05-2023 : un manque de clarté à corriger !

Monsieur le directeur,

La période dans laquelle se trouve l'administration des douanes est une charnière qui définira son avenir à court, moyen et long terme. Ce projet de loi, comme l'a rappelé le ministre, est d'importance capitale puisqu'il vise à garantir aux douaniers ni plus ni moins que leur capacité à exercer leurs missions. L'ambition fixée est grande puisque la volonté affichée est même d'augmenter les capacités opérationnelles des services de terrain via des dispositions nouvelles.

Même si nous ne voulons pas bouder tout le travail mené par vos services, il faut entendre que l'inquiétude est de mise parmi les agents des douanes.

Inquiétude, car aux grandes déclarations d'intention suivent de longs silences qui laissent à supposer que le chemin que vous avez dû emprunter pour ce projet de loi s’est révélé bien plus sinueux que vous l’espériez.

Inquiétude car les bruissements du monde politique montrent un double écueil : certaines administrations semblent voir une opportunité pour tenter de déstabiliser une administration trop longtemps privée de boussole (nous l’écrivions en mars 2022 : ici) afin de lui dérober des missions, comme par exemple les brigades de contrôles des flux de la gendarmerie, dont les implantations se multiplient sur le territoire.

Un second écueil venant d'un manque criant de connaissance de notre maison douane par la représentation nationale. Les députés et sénateurs que nous avons contactés, ont insisté sur un fait : la douane ne sait pas communiquer, la douane est une inconnue des milieux politiques contrairement aux forces de l’ordre du ministère de l'Interieur. D'ailleurs, pour nombre d'entre eux, c'est une découverte d'apprendre que les douaniers n'exercent pas au sein de ce ministère. Nous pourrions certes attendre mieux de nos représentants nationaux, mais c’est tout de même fort inquiétant pour nous.

Inquiétude, également à la lecture, non pas des documents « policés » que vous nous avez transmis, mais bien de ceux transmis à la représentation nationale, et particulièrement l'étude d'impact liée à ce projet de loi. Nous ne saurions pas vous accuser d'insincérité envers la représentation nationale, c'est pourquoi, découvrir des affirmations qui ne vont pas dans le sens de déclarations de l'administration nous questionne.

Inquiétude, au regard du volume extrêmement restreint de la formation que vous envisagez nécessaire pour les agents de terrain aux nouvelles dispositions. 1/2 journée, ce n'est clairement pas assez au vu de la révolution et de la charge mentale supplémentaire que cela va causer aux chefs d'équipe au premier chef, mais à l'ensemble des escouades.

Concernant la création de cette réserve opérationnelle, qui n'était censée il y a encore quelques semaines, n’être qu'un projet à discuter, nous avons découvert à la mi-avril (à lire ici) que son organisation est déjà bien ficelée : 300 effectifs dont quasi 10% d'agents de catégorie A+ soit 5 fois plus que le taux des actifs , pour exercer notamment des missions de garde-frontière, maintenance navale ou encore moniteur tir/TPCI. Ce dernier point interpelle en plein conflit entre ces dits moniteurs et l'administration centrale.

Cela interroge aussi concernant l'avenir des agents de Paris Spécial qui exercent en grande partie des missions saisonnières de garde-frontière.

Interrogation encore, puisque vous affirmez que la branche OPCO n'a pas vocation a accueillir de réservistes. Il semble pourtant qu’a minima les AG voient des réservistes garnir leurs services à l’avenir.

Interrogation toujours, puisque le même document affirme que l'objectif n'est pas d'employer des retraités des douanes mais « fidéliser de jeunes adultes et recourir à des militaires en activité ».

Mais en effet, pour accueillir des retraités des douanes de la branche Surveillance, il faut absolument revoir les conditions d’octroi de la bonification, et même entrevoir d’aller plus loin que les promesses formulées par le ministre en début d’année.

Interrogation pour finir, concernant les pouvoirs confiés à ces réservistes. Il n'est pas envisageable de confier les pouvoirs exorbitants du droit commun dont dispose un agent des douanes dans leur plénitude à un réserviste. D'ailleurs, aucune des administrations dotée d'une réserve n'a à notre connaissance fait ce choix.

Concernant le renforcement de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, il convient là aussi de prendre un peu de hauteur. La douane se situe à la croisée des chemins et son implication toujours plus importante dans des questions de sécurité intérieure à haut risque, questionne quant au paradigme de missions de notre maison. Nous espérons que le cycle de discussion concernant la Surveillance n'accouchera pas d'une souris mais bien d'un projet concerté avec les organisations syndicales.

Il en est de même concernant les procédures nouvelles intéressant la DNRED. L'intégration du droit commun est en route dans le code des douanes.

L’actualité s’invite d’ailleurs à notre déclaration. Après ses « grandes » annonces pour lutter contre la fraude fiscale, le ministre était présent hier à Ivry. Quel est l’avenir des services du SEJF et ceux de la DNRED, alors que la création d’un office national anti-fraude a été décidée par le politique. Anti-fraude de quoi d’ailleurs ? Iront-ils jusqu’à nous prélever nos services à compétence nationale ? Quelle est la position de la DGDDI dans ce grand raout ? Un éclairage sincère s’impose d’urgence !

De toutes ces interrogations découlent donc autant de craintes, en particulier sur le point 4 de votre ordre du jour et l'objectif poursuivi par cette re-codification. Des craintes aussi car la rédaction de ce Projet de Loi montre que le diable se niche dans les détails, comme le futur article 67ter-1 qui crée une sorte de « super article 40 » et facilite de facto l'utilisation détournée des agents des douanes comme cela fut le cas lors de certains mouvements sociaux où les douaniers ont été utilisés pour rechercher des infractions de droit commun à la demande du préfet. Serait-ce en fait la « ligne » aux préfets et les « enquêteurs » au ministre que vous nous préparez ?

Nous vous l’avions signifié, votre responsabilité, comme celle de Bercy et des parlementaires, est immense envers la maison Douane. Depuis la censure de l’article 60, nous n'avons de cesse de demander une transparence et solliciter une participation active des représentants à la reconstruction de notre droit positif. Alors que nous arrivons au terme du premier acte de cette procédure de réécriture, il reste une marge non négligeable pour y parvenir. Ainsi, nous vous demandons de nous intégrer, pleinement cette fois-ci, dans votre processus de re-codification du code des douanes.
 

Paris, le 10 mai 2023

GT/CSA-FS