Déclaration liminaire au CTR du 21 janvier 2020

Madame la présidente,

 

C’est dans un contexte social extrêmement tendu pour tous les fonctionnaires, et plus particulièrement encore pour les agents en service actif, que se tient ce premier Comité Technique de Réseau (CTR) de 2020.

Nos pensées iront dans un premier temps vers nos collègues de la Surveillance. Ces travailleurs au service de l’État et des concitoyens, qui tous les jours, s’équipent du matériel de protection, s’arment et prennent leur service sans état d’âme au regard des risques qu’ils vont prendre, comme à chaque vacation, pour aller protéger notre territoire et ses concitoyens.

Certes, leur hiérarchie sera satisfaite des contentieux de ce début d’année, qui enlèvent notamment de la rue ces poisons de stupéfiants. Mais qui se préoccupe véritablement de leur santé physique et morale, quand le ministre vient nous annoncer le projet de bonification dans le cadre de la réforme des retraites ?

Au minimum 27 années de risque, de stress et d’efforts, tous les jours, par tous les temps, pour avoir le droit de prendre sa retraite 5 ans avant l’âge légal, qui n’est d’ailleurs même pas encore déterminé. Le ministre vient d’inventer la reconnaissance des risques professionnels low cost, qui n’englobe même pas la notion de pénibilité.

Et si nos collègues se posaient, entre deux services, pour s‘interroger sur la façon dont ils vont être « considérés » à l’avenir ? Et s’ils se demandaient : « alors aujourd'hui, risque ou pas risque ? Je prends le HK et mon arme de service ? Je vais de nouveau supporter les insultes, les oppositions à fonction, les barrages forcés sans sourciller ? Après tout, ma santé, ma famille, ma vie, pour seulement 5 ans de bonus après 27 années de labeur sur un terrain de plus en plus hostile aux agents en uniforme ? »

A ces inquiétudes légitimes, s'ajoutent les excès de zèle de certains managers locaux pourtant dénoncés lors du conflit en mars dernier, les refus systématiques d'AAE (Autorisation d’Absence exceptionnelle) formulés sans aucune « écoute », ni « discernement » comme pourtant mentionné dans la note DG ou encore les remaniements brutaux d’équipes sans tenir compte des propositions des agents. Nous sommes perplexes et nous nous demandons, si à défaut d’une intelligence artificielle, il y a au moins une intelligence humaine derrière tout cela.

Nous pensons également à l’agent des Opérations Commerciales qui sera peut-être gratifié de 2 années en bout de carrière, s’il a bien passé 110 nuits par an à œuvrer au service de l’État pour stopper le tabac, les contrefaçons et la drogue qui n’iront pas mettre en danger nos concitoyens, notamment les plus jeunes et les plus vulnérables d’entre eux.

Nous pensons aussi à tous ces personnels en charge de la Fiscalité, qui se sont investis, certains depuis 1993 dans les Contributions Indirectes, pour moderniser, généraliser et développer un régime de taxation très performant souvent dédié à la préservation, la promotion des métiers ou la protection sociale, soit encore un service public de qualité rendu à nos concitoyens.

Pour eux, la messe est dite par voie de loi de finances. C’est une méthode de gestion brutale des services sans dialogue social que nous condamnons. Les quelques GT techniques bidirectionnels « alibi » ne changeront pas la donne.

Et nous pensons en fait à tous les agents des douanes, fonctionnaires de l’État, pour qui nos dirigeants prévoient un système de retraite moins avantageux, le maintien du gel des salaires, un nouveau règlement de mobilité qui perd sa dimension bienveillante. Ce dernier est d’ailleurs le fruit d’une régression sociale majeure avec la suppression quasi totale des CAP et la montée en charge programmée des recrutements contractuels.


 

L’Administration semble devenir folle et perdre ainsi toute notion d’humanité et d’appréhension envers ses personnels, qui sont désormais analysés sur le prisme principal de « ressources » au même titre que des moyens.

Nous en voulons pour preuve le document préparatoire N°1 (NI sur PAE) qui traite durant trois pages du sujet des effectifs sans jamais utiliser un seul instant les mots « agent » ou « personnel ». Non, une simple litanie de chiffres, froide et vectorielle, visant à s’auto-satisfaire de la progression d’un seul et unique ETPT (Equivalent Temps Plein Travaillé) entre 2019 et 2020.

Nos organisations retiendront surtout que l’article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018, retire de fait 76 ETPT par rapport au Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2020.

Concrètement, les volumes globaux des effectifs douaniers pour 2020 annoncés, en PLF 2020, à –198 ETPT et +100 emplois réservés pour la mission BREXIT, aboutiront à répartir dans les interrégions douanières pas ou peu impactées par le BREXIT des suppressions de postes, renouant ainsi avec les répartitions d’emplois d’avant 2016.

Nous en voulons pour preuve les 5 directions interrégionales et les directions ultra-marines qui voient leur PAE diminué.

Pour l’heure, ces chiffres globaux fournis sont nécessairement porteurs d'ajustements d’effectifs et de missions sur les différentes résidences concernées, créant, à nouveau, de vrais casse-têtes pour les décideurs mais avant tout aux agents pris dans la tourmente des réorganisations anxiogènes multiples et incessantes.

Bien sûr, du côté de l’administration, on argumentera que des gains de charge de travail sont réalisés par la poursuite de la dématérialisation, de la centralisation ou le transfert de certaines missions. Mais cela n’a-t-il pas déjà été pris en compte dans la détermination des précédents plafonds d’emplois depuis 10 ans ?

Cela n’est-il pas contrebalancé par la qualité et les résultats croissants de l’action de nos 17133 douaniers à qui on demande toujours plus pour toujours moins ? (voir supra: diminution d’effectifs, gel du point d’indice, fin des plans de qualification ministériel, recul de l’âge de départ à la retraite, réduction de l’action sociale ministérielle, etc.).

Le traitement administré à nos douaniers a franchi la cote d’alerte depuis longtemps et ce ne sont pas les différentes successions de gouvernements qui changent le cours des choses.

La voie française qui s’était ouverte après la fin de la seconde guerre mondiale est bien maintenant sous flot. L’arche de Noé est sortie, mais qu’adviendra-t-il de la qualité de la puissance publique dans notre pays, de son impartialité, de la dynamique qu’elle avait su créer pour l’ensemble des secteurs sociaux professionnels ?

L’UNSA Douanes ne donnera pas son blanc seing sur la façon dont est administrée la DGDDI.

Nous appelons les personnels à une prise de conscience sur les dégradations qui s’annoncent et à agir avec leurs représentants afin de préserver ou créer de nouveaux espaces de qualité de travail, de promotions et de relations professionnelles apaisées, autant qu’il sera possible.


 

Le second uppercut que vous nous assénez, après celui des réductions d’effectifs, est celui de la mise en musique au niveau douanier des directives de la loi 2019-828 dite de transformation de la Fonction Publique votée le 6 août 2019.

En entérinant une régression sociale évidente par la quasi-disparition des organismes paritaires protégeant les personnels, cette loi ouvre une ère nouvelle de la vie professionnelle et familiale des personnels.

Cela s’est concrétisé au sein de la DGDDI par l’organisation précipitée de quatre groupes de travail destinés à définir les nouvelles règles de gestion, pour les cinq ans à venir, sur l’aspect mobilité, avant que ne s’ouvre en 2020 le même type d’exercice pour la gestion des carrières. Vous n'aviez aucune raison de précipiter ainsi le mouvement, alors que vous pouviez différer à 2021 l'application de ces règles.

Et comme si cela ne suffisait pas, vos services ont concocté un cocktail de mesures toutes plus contraignantes et régressives les unes que les autres, en allant bien plus loin que les bases édictées par la loi !

L’UNSA Douanes a participé, avec l’ensemble des autres OS, aux trois premiers groupes de travail (GT) d’octobre et novembre 2019.

À chaque nouveau GT, de nouvelles mesures venaient affaiblir le Règlement Particulier des Mutations, cet outil de gestion travaillé et modifié en commun pendant de nombreuses années entre l’administration et les représentants de personnel, et qui apportait des règles claires, comprises de chacun et qui ne pouvaient prêter à interprétation.

Nous avons décliné l’invitation à participer au dernier GT du 18 décembre 2019, fixé juste après la journée de grève du 17 sur les retraites, au moyen de documents de travail fournis tardivement la veille, rendant impossible toute préparation sereine.

En outre, L’absence de la quasi-totalité de nos propositions dans les textes conclusifs que vous soumettez au vote, telles que le déplafonnement des points de résidence, l’incitation financière pour rejoindre les résidences jugées « déshéritées », le simulateur de points, la transparence des classements, la garantie d’accès aux formations pour les agents ayant un projet de mobilité, conforte notre analyse.

Globalement, votre projet semble définitivement ficelé et donc non véritablement amendable. Désormais les personnels seront gérés dans l'arbitraire et l'opacité.

Pour preuve, le mouvement de colère des 400 stagiaires, actuellement en formation initiale dans les écoles des Douanes, à qui l’administration veut appliquer la règle d'obligation de résidence de deux ans alors que le CTR n'a pas encore validé les lignes directrices. C'est totalement inadmissible.

L’UNSA Douanes fera toujours face lorsque les droits des agents seront remis en cause. C’est le cas avec cette modification des modalités de mutation. Et c’est bien là que le bât blesse !


 

Ces mêmes agents se demandent comment ils seront enfin informés sur leur règle de mobilité et de promotion.

La loi d'août 2019 prévoit des lignes directrices de gestion (LDG) qui déterminent la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, fixant ainsi à partir du 1er janvier 2020 :

  • les orientations générales en matière de mutation et de mobilité dans la fonction publique de l’État ;

  • les orientations générales en matière de promotion et de valorisation des parcours dans l’ensemble de la fonction publique, en vue de l’élaboration des décisions individuelles prises au titre de l’année 2021.

Les modalités et le contenu de ces lignes ont été définies dans le décret 2019-1265 du 29 novembre 2019. Plusieurs questions en découlent :

Comment la DGGDI va-t elle décliner ces LDG ?

  1. Sachant que l'article 5 du décret susvisé prévoit que « Les lignes directrices de gestion sont rendues accessibles aux agents par voie numérique et, le cas échéant, par tout autre moyen », quel(s) moyen(s) de communication a été choisi par la DGDDI pour leur communication aux agents ?

  2. Sachant que les LDG en matière de mutation et de mobilité sont en vigueur depuis le 1er janvier 2020, quelle information a été donnée aux agents souhaitant solliciter une mutation cette année ?

     

Autant de constats et d’interrogations qui nous portent à juger cette réforme des mobilités, précédant celle des gestions des carrières, comme un passage en force de nos dirigeants pour mettre au tapis les personnels douaniers, déjà groggys par les annonces sur la réforme des retraites.

GT/CSA-FS