Madame la présidente,
Nous nous retrouvons aujourd'hui pour une CAP au format Conseil de discipline, la première en catégorie A dans le cadre de la nouvelle mandature.
C’est pour nous l'occasion de rappeler quelques grands principes qui doivent, selon nous, guider la politique disciplinaire de la DGDDI, ainsi que le rôle et les valeurs que défendront nos organisations syndicales dans le cadre de ces CAP.
Tout d’abord, nous rappelons une évidence : nous sommes conscients, en tant qu’élus, représentants du personnel, de la responsabilité qui est la nôtre. Nous l’assumerons sans difficultés même si nous déplorons que le rôle des CAP soit maintenant cantonné à traiter les suites de décisions négatives affectant les agents comme : les refus de titularisation, les refus de télétravail, les recours en notation ou la discipline.
Concernant ce dernier point, le respect des règles déontologiques est une obligation qui pèse sur chaque fonctionnaire. Il est important que le corps social soit protégé des écarts et des fautes qui peuvent être commis par des agentes ou agents des douanes. Pour autant, notre rôle en tant qu’organisation syndicale sera aussi de veiller au respect des droits de la défense des agents mis en cause et à l’application de sanctions justes et équilibrées.
Ceci étant posé, nous serons attentifs sur la mise en œuvre de ce que vous avez appelé la « démarche pour promouvoir une déontologie irréprochable en douane », qui a été présentée lors du CSAR du 1er juin 2023. Durant cette instance, il avait aussi été annoncé un « accroissement et une évolution des enjeux disciplinaires ».
Cette manière d’évoquer votre approche en matière de déontologie nous interroge, car elle laisse à penser que la douane ne serait pas irréprochable en la matière. Pire, elle est susceptible de renforcer des clichés, que nous condamnons totalement, selon lesquels les agentes et agents des douanes seraient moins exemplaires que d’autres.
Certes, il y a sans doute des problèmes disciplinaires liés à la nature et au caractère opérationnel des missions, que ne connaissent pas d’autres directions du Ministère.
Certes, Il peut y avoir également un risque déontologique plus élevé, notamment en termes de probité et de corruption, compte tenu du rôle sensible de contrôle assuré par les personnels.
Pour autant, les douanières et douaniers ne méritent pas cet opprobre que l’on ressent parfois dans certains propos.
Il y a des dérives dans tous les ministères et notre direction n'est pas à l'abri. Mais la douane, ce n'est pas un concentré d’agresseurs en série, d’aliénés génésiques, de dipsomanes sévères, ni même de cadres harceleurs ou incompétents. Véhiculer cette image de nos collègues est vécue comme une véritable insulte par tous les agents qui exercent en douane. Nous attendons de l’administration qu’elle combatte ces clichés, ces commentaires ou jugements excessifs, d’où qu’ils viennent.
Les ambiances des collectifs de travail en douane méritent mieux que l’image que certains en ont. Selon les résultats de l'observatoire interne, la douane est l’administration du ministère où les agents se sentent les mieux accueillis et intégrés (80%). Hormis quelques situations isolées, et qui doivent évidemment être traitées, la douane est une administration où il fait plutôt bon vivre, où les relations de travail entre collègues restent bonnes, où les relations entre femmes et hommes sont respectueuses. Souvent, la bonne ambiance est la dernière chose qui reste quand les agents perdent leurs missions, leur sens au travail et leurs perspectives de promotions ou de mobilités.
Il ne faudrait surtout pas briser cet environnement avec une politique disciplinaire qui serait mise en œuvre à tout prix et sans discernement. Les collectifs de travail peuvent parfois être fragiles. S’ils se retrouvent concernés par un événement disciplinaire traité sans discernement et de façon disproportionnée, cela peut engendrer des années de labeur pour leur reconstruction.
Lors du CSAR du 1er juin, la direction générale a également expliqué « qu'elle assumait le choix d'une temporalité rapprochée entre le déroulement des faits présumés et la réunion du conseil de
discipline, permettant d'assurer la nécessaire exemplarité et pédagogie inhérentes à la matière disciplinaire, mais aussi permettre aux agents mis en cause de voir leur situation évoluer dans des
délais plus rapides ». En ce qui nous concerne, nous craignons que cela se traduise par un traitement trop pressé des dossiers, avec des dérives assez contestables où l’examen de situations individuelles serait utilisé pour L’exemple. Surtout dans une petite administration où tout se sait.
Nous refuserons que la douane devienne le terrain d'expérimentation d'une politique disciplinaire implacable, inhumaine ou politique. Les Conseils de discipline ne sont pas, et n'ont pas vocation à devenir des tribunaux populaires, laissant libre cours à des manœuvres pour obtenir la tête d’un agent.
Ce qui doit gouverner l'action disciplinaire de notre administration, c'est la justesse, la mesure et l’approche équilibrée des dossiers.
Il est fondamental de rappeler que la discipline, c’est aussi et avant tout de la formation et de la prévention. Nous l’avons déjà exprimé : pour nous, la meilleure des disciplines est celle qui n’arrivera jamais ! L’application d’une sanction ne doit intervenir qu’en dernier recours, lorsqu’elle se justifie.
Lors du CSAR, il a également été annoncé que pour chaque dossier disciplinaire, « l’adhérence entre procédure administrative et judiciaire, ainsi que l’opportunité d’un signalement au parquet, seraient évaluées au cas par cas ». Nous souscrivons à cette appréciation d’une évaluation au cas par cas.
De même, nous devrons également être vigilants, collectivement, afin d’éviter que les outils de signalement et l’éventuelle procédure disciplinaire, qui en découlerait, ne puissent être détournés de leur finalité, avec des intentions malveillantes, par des agents cherchant à régler des comptes avec un collègue ou un manager.
En cas de dénonciations calomnieuses avérées, l’administration devra aussi donner les suites qui s'imposent et sanctionner les agents qui en seront à l’origine. Cela doit être le corollaire du renforcement de la pratique disciplinaire.
Par ailleurs, nous condamnons le deux poids - deux mesures, parfois caricatural de l’administration, tout comme celui d’organisations qui condamnent ou défendent les mêmes faits, selon les situations ou la qualité des agents mis en cause.
À la CGC Douanes et à l’UNSA Douanes, nous aurons toujours une approche mesurée et équilibrée des dossiers sans posture dogmatique. Et surtout, nous veillerons à l’application d’un principe de proportionnalité dans les sanctions qui seront prononcées, avec une échelle des sanctions cohérente.
Dans ce cadre, nous saluons l’évolution de l'interrogatoire écrit vers une audition de service qui semble aller dans le bon sens. Elle devrait pouvoir corriger certains manquements de notre administration, loin d’être irréprochable dans la conduite d’enquêtes disciplinaires d’envergure menée ces dernières années.
Enfin, nous condamnons le mépris parfois affiché par l’administration vis-à-vis de grands principes de notre État de droit. La présomption d’innocence doit être respectée lorsque des procédures pénales sont pendantes. Les agents ne doivent pas subir de double peine ou de triple peine, notamment dans le déroulement de leur carrière, alors qu’ils sont encore présumés innocents. Un grand principe du droit, en particulier le droit à la réhabilitation, doit aussi être respecté par notre administration.